Poésie sur le néant dans le vide du grenier de la Citadelle
Le néant
Dans le fond d'un étier
une mouette s'apprêtait à goûter aux plaisirs de la bonne chère
Attablée comme il faut, la serviette glissée dans le creux du faux col,
elle subissait le protocole de la grande cuisine
à savoir l'attente absolue du met désiré
Pour ne pas s'impatienter un apéritif lui était proposé
composé de vers de terre et crabillots
arrosé de fruits de mer pressés
Puis le moment fut venu
pour que babines alléchées puissent enfin mastiquer
Un canard à l'orange en col vert
noué d'un papillon de nuit dévergondé
vint lui placer devant le nez l'assiette
et la sole commandées
La mouette eut un cri de joie comme peu d'oiseaux savent en faire
A plein bec elle avala le poisson
ses arêtes
et l'assiette
et le verre
les couverts et la nappe
et la table
les fruits de mer et la mer
et les vers de terre et la terre
avec ses arbres
ses pierres
ses monts et ses lacs
ses rivières
ses villes et ses êtres
ses villas et ses rues
ses chats
ses rats
ses impasses
et t'ses térats et t'ses térats et t'ses térats
et j'en passe, et des meilleurs, des tonnes de beurre et de foie gras
Enfin la mouette éructa de quelques gaz stomacaux
et trouva que vraiment le repas fut bien bon
Elle s'en revint titubante dans le vide du néant
qui lui semblait de parfaite connivence avec sa digestion
Ici se pose le problème :
le Néant
étant ce qu'il est
c'est à dire
qu'il n'est pas
peut-on y digérer
s'il en est ainsi ?
Avez-vous des suggestions, Messieurs les philosophes ?
au sommaire des mansardes et soupentes